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Matvey Zheleznyakov avec Adrien Fournaison

PROGRAMME

  • Francis Poulenc (1899-1963) - Sérénade, Chansons Gaillarde nº8. Texte anonyme.
  • Henri Duparc (1848-1933) - Testament. Texte d’Armand Silvestre.
  • Guy Ropartz (1864-1955) - « Pourquoi vois-je pâlir la rose parfumée », nº2 des Quatre poèmes d’après l’Intermezzo d’Heinrich Heine.
  • Darius Milhaud (1892-1974) - Dissolution, op.7 nº3 des 7 poèmes de la connaissance de l’Est. Texte de Paul Claudel.
  • Claude Debussy (1862-1918) - Ballade que Villon fait à la requeste de sa mère, nº2 des Trois ballades de François Villon.
  • Lili Boulanger (1893-1918) - Le retour. Texte de Georges Delaquys.
  • André Jolivet (1905-1974) - « Pour te parler », nº5 des poèmes intimes de Louis Émié.
  • Claude Delvincourt (1888-1954) - le Vivier, nº2 de Onchets. Texte de René Chalupt
  • Henri Duparc (1848-1933) - Le galop. Texte de René-François Sully-Prudhomme.
  • Georges Aperghis (1945) - Le Rire Physiologique. Texte de Raymond Devos.


Francis Poulenc (1899-1963) - Sérénade

extrait du cycle "Chansons Gaillardes"
Texte anonyme

Avec une si belle main,
Que servent tant de charmes,
Que vous tenez du dieu malin,
Bien manier les armes.
Et quand cet Enfant est chagrin
Bien essuyer ses larmes.

Henri Duparc (1848-1933) - Testament

texte: Armand Silvestre

Pour que le vent te les apporte
Sur l’aile noire d’un remord,
J’écrirai sur la feuille morte
Les tortures de mon cœur mort!

Toute ma sève s’est tarie
Aux clairs midis de ta beauté,
Et, comme à la feuille flétrie,
Rien de vivant ne m’est resté;

Tes yeux m’ont brûlé jusqu’à l’âme,
Comme des soleils sans merci!
Feuille que le gouffre réclame,
L’autan va m’emporter aussi …

Mais avant, pour qu’il te les porte
Sur l’aile noire d’un remords,
J’écrirai sur la feuille morte
Les tortures de mon cœur mort!

Guy Ropartz (1864-1955) - «Pourquoi vois-je pâlir la rose parfumée»

Extrait des Quatre poèmes d'après l'Intermezzo
texte: Heinrich Heine

Pourquoi vois-je pâlir la rose parfumée?
Dis-moi, dis-moi, ma bien-aimée,
Dis-moi pourquoi!
Pourquoi, dans le gazon touffu, les violettes,
Si fraîches d'habitude, ont-elles aujourd'hui
Un air d'ennui?
Pourquoi le chant des alouettes
Si nostalgiquement meurt-il par les chemins?
Pourquoi s'exhale-t-il des bosquets de jasmins
La funéraire odeur qui sort des cassolettes?
Pourquoi, semblable au feu suprême d'un flambeau
Qui s'éteint, le soleil à l'horizon sans borne
Jette-t-il un éclat moins ardent et moins beau?
Pourquoi la terre entière est-elle grise et morne
Comme un tombeau?
Pourquoi suis-je si las, si triste et si malade?
Ma chère bien-aimée oh! dis-le, dis-le moi,
Si tu, trouves encore un mot qui persuade,
Dis-moi pourquoi tu m'as abandonné?
Pourquoi?

Darius Milhaud (1892-1974) - Dissolution, op.7 nº3 des 7 poèmes de la connaissance de l’Est. Texte de Paul Claudel.

extrait des 7 poèmes de la connaissance de l'Est (op.7 n°3)
texte: Paul Claudel

Et je suis de nouveau reporté sur la mer indifférente et liquide.
Quand je serai mort, on ne me fera plus souffrir.
Quand je serai enterré entre mon père et ma mère,
on ne me fera plus souffrir.
On ne se rira plus de ce cœur trop aimant.
Dans l’intérieur de la terre
se dissoudra le sacrement de mon corps,
mais mon âme, pareille au cri le plus perçant,
reposera dans le sein d’Abraham.
Maintenant tout est dissous,
et d’un œil appesanti je cherche en vain autour de moi
et le pays habituel à la route ferme sous mon pas
et ce visage cruel. Le ciel n’est plus que de la brume
et l’espace de l’eau. Tu le vois, tout est dissous
et je chercherais en vain autour de moi trait ou forme.
Rien, pour horizon, que la cessation
de la couleur la plus foncée.
La matière de tout est rassemblée en une seule eau,
pareille à celle de ces larmes
que je sens qui coulent sur ma joue.
Sa voix, pareille à celle du sommeil
quand il souffle de ce qu’il y a de plus sourd à l’espoir en nous.
J’aurais beau chercher, je ne trouve plus rien hors de moi,
ni ce pays qui fut mon séjour, ni ce visage beaucoup aimé.

Claude Debussy (1862-1918) - Ballade que Villon fait à la requeste de sa mère

Extrait des Trois ballades de François Villon
texte: François Villon

ame du ciel, regente terrienne,
Emperière des infernaulx palux,
Recevez-moy, vostre humble chrestienne,
Que comprinse soye entre vos esleuz,
Ce non obstant qu'oncques riens ne valuz.
Les biens de vous, ma dame et ma maistresse,
Sont trop plus grans que ne suys pecheresse,
Sans lesquelz bien ame ne peult
Merir n'avoir les cieulx,
Je n'en suis mentèresse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
À vostre Filz dictes que je suys sienne;
De luy soyent mes pechez aboluz:
Pardonnez-moy comme à l'Egyptienne,
Ou comme il feut au clerc Theophilus,
Lequel par vous fut quitte et absoluz,
Combien qu'il eust au diable faict promesse.
Preservez-moy que je n'accomplisse ce!
Vierge portant sans rompure encourir
Le sacrement qu'on celebre à la messe.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
Femme je suis povrette et ancienne,
Qui riens ne sçay, oncques lettre ne leuz;
Au moustier voy dont suis paroissienne,
Paradis painct où sont harpes et luz,
Et ung enfer où damnez sont boulluz:
L'ung me faict paour, l'aultre joye et liesse.
La joye avoir faismoy, haulte Deesse,
A qui pecheurs doibvent tous recourir,
Comblez de foy, sans faincte ne paresse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.

Envoi
Vous portastes, digne Vierge, princesse,
Iesus regnant, qui n'a ne fin ne cesse.
Le Tout-Puissant, prenant nostre foiblesse,
Laissa les cieulx et nous vint secourir,
Offrit à la mort sa tres chiere jeunesse.
Nostre Seigneur tel est, tel le confesse,
En ceste foy je vueil vivre et mourir.

Lili Boulanger (1893-1918) - Le retour

texte: Georges Delaquys

Ulysse part la voile au vent,
Vers Ithaque aux ondes chéries,
Avec des bercements la vague roule et plie.
Au large de son coeur la mer aux vastes eaux
Où son oeil suit les blancs oiseaux
Égrène au loin des pierreries.

Ulysse part la voile au vent,
Vers Ithaque aux ondes chéries!

Penché oeil grave et coeur battant
Sur le bec d'or de sa galère
Il se rit, quand le flot est noir, de sa colère
Car là-bas son cher fils pieux et fier attend
Après les combats éclatants,
La victoire aux bras de son père.
Il songe, oeil grave et coeur battant
Sur le bec d'or de sa galère.

Ulysse part la voile au vent,
Vers Ithaque aux ondes chéries.

André Jolivet (1905-1974) - « Pour te parler »

Extrait des poèmes intimes
texte: Louis Emié (poèmes intimes)

Pour te parler et pour te dire
Les mots que je voudrais te dire,
Je ne trouve que le silence
Ou des gestes inachevés.

Je ne trouve que des paroles
si éloignées de mon amour
que je ne les prononce pas
de peur de pouvoir te tromper.

Pour te parler et pour te dire,
les mots que je voudrais te dire,
Je ne trouve que le silence
Ou des gestes inachevés.

A …………………….

Je t’aime et je sais bien
qu’il n’est plus de secret dans ce cœur,
qui n’a plus et ne peut plus avoir
que la forme du tien.

Claude Delvincourt (1888-1954) - le Vivier

Extrait des Onchets
texte: René Chalupt

En le frais azyle nageant
Du vivier où les doigts des reines
Laissèrent les bagues d’argent
Choir des terrasses riveraines
Je jalouse, assis sur les bords
Pourpres du sang de notre histoire,
Carpes, vos palais où s’endort
L'Écho des rumeurs transitoires.

Combien d'âges accumulés
Vos écailles où le temps s’use
N’ont elles pas senti couler
Avec l’eau qui vous tient recluses
Et je regarde sans songer
Dans la transparence de l’onde
Le sillage se prolonger
Que tracent sous les eaux profondes
Vos flancs lourds d’anneaux mensongers.

Henri Duparc (1848-1933) - Le galop Texte de René-François Sully-Prudhomme

texte: René-François Sully-Prudhomme

Agite, bon cheval, ta crinière fuyante
Que l'air autour de nous se remplisse de voix!
Que j'entende craquer sous ta corne bruyante
Le gravier des ruisseaux et les débris des bois

Aux vapeurs de tes flancs mêle ta chaude haleine
Aux éclairs de tes pieds, ton écume et ton sang!
Cours, comme on voit un aigle, en effleurant la plaine
Fouetter l'herbe d'un vol sonore et frémissant!

« Allons, les jeunes gens, à la nage! à la nage! »
Crie à ses cavaliers le vieux chef de tribu;
Et les fils du désert respirent le pillage
Et les chevaux sont fous du grand air qu'ils ont bu!

Nage ainsi dans l'espace, ô mon cheval rapide
Abreuve-moi d'air pur, baigne-moi dans le vent;
L'étrier bat ton ventre, et j'ai lâché la bride
Mon corps te touche à peine, il vole en te suivant

Brise tout, le buisson, la barrière ou la branche;
Torrents, fossés, talus, franchis tout d'un seul bond;
Cours, je rêve, et sur toi, les yeux clos, je me penche
Emporte, emporte-moi dans l'inconnu profond!

Georges APERGHIS - « Rire Physiologique » (1983)

texte: Raymond Devos

Mon pianiste est irrésistible!
Vous avez remarqué qu'il ne riait jamais!...
Il ne peut pas!
C'est physiologique...
Vous savez que, physiologiquement, le rire résulte de la contraction des muscles du visage, ce qui provoque une modification du faciès, accompagnée de sons très caractéristiques tels que:
Ha! Ha! Ha! Ha!
Ou encore:
Hi! Hi! Hi! Hi!
C'est irrésistible!
Le rire est caractérisé en outre par une respiration saccadée...
Cette respiration s'explique par une convulsion des muscles expirateurs...
Hi! Hi! Hi! Hi! Hi!
Une inspiration brutale vient de temps à autre interrompre ces convulsions...
Heursshh!
Si l'expiration nécessaire ne peut se faire à temps, le rire devient douloureux!
Ha! Ha! Ha! Ha! Ha!
Le visage se congestionne,
le rieur est sur le point de s'asphyxier,
c'est irrésistible!
D'où les expressions:
"Crever de rire."
Ou:
"Étouffer de rire."
D'où aussi:
"Les plus courtes sont les meilleures."
Car si la plaisanterie dure un peu trop longtemps,
que se passe-t-il?
Les muscles abdominaux se contractent de façon spasmodique:
Hi! Hi! Hi! Hi! Hi!
- Arrêtez, vous me faites mal au ventre!
D'où, parfois... Ha!... mixtion involontaire,
c'est-à-dire que le rieur fait pipi dans sa culotte...
C'est le cas de mon pianiste... C'est pourquoi il ne rit pas.
Il se retient!
(Au pianiste)
N'est-ce pas?
Dites? Laissez-vous aller un peu à rire
pour illustrer ma démonstration!
Pianiste (se laissant aller): Ha! Ha! Ha! Ha! Ha!
(Le pianiste change d'expression, se lève et sort.)
Vous voyez?... Ça fait partie de ces choses qui vous échappent!
Ce texte est extrait de Sens dessus dessous